Il est midi passé, quelque part dans un village caché entre les oliviers et la mer, le vent transporte le parfum de l’origan et des citrons fraîchement cueillis. Les portes des maisons battent au rythme des voix qui résonnent. En Grèce, lorsque le soleil chauffe les murs blancs le dimanche, il n’est plus question de hâte : c’est le temps du repas partagé, un art de vivre, une cérémonie rituelle qui raconte l’âme d’un peuple. Sur la nappe brodée, entre la brise et les conversations, se trouve bien plus que de la nourriture : une mémoire collective, une générosité radieuse et des émotions simples. Ce repas du dimanche, tant attendu, devient un théâtre de saveurs et de liens. Entre plats simples et festifs, entre les éclats de rire et la caresse du vent, découvrez comment, dans chaque maison grecque, le dimanche tisse la trame d’un vrai moment de partage. Voici un voyage sensoriel et humain au cœur de la tradition qui rallume chaque semaine la flamme de la convivialité.
- Les racines du repas dominical dans la culture grecque
- La taverna, scène du rassemblement familial
- Meze et partage : le rituel de l’abondance
- Les secrets des plats emblématiques du dimanche
- Rôles, gestes et petits mondes autour de la table
- Les saveurs sucrées, l’art du dessert et le café en famille
- Musique, histoires et transmission autour du repas
- Les journées modernes : continuités et évolutions du dimanche grec
Sommaire de l'article
Les racines du repas dominical dans la culture grecque
Lorsque les cloches des petites églises byzantines annoncent la sortie de la messe, un écho ancien réveille les souvenirs des villages grecs. Le dimanche, plus qu’un simple jour de la semaine, incarne une parenthèse sacrée où la famille se rassemble autour de la table, fidèle à une tradition qui résiste magnifiquement à la modernité galopante. Chaque coin du pays, des Balcons égéens aux ruelles pavées de Macédoine, vibre au rythme de cette réunion hebdomadaire.
L’histoire confère au dimanche une aura presque mystique. Héritée de la Grèce orthodoxe, la journée commence bien souvent à l’aube, alors que les mains des femmes – mères, grand-mères et tantes – pétrissent, hachent, mijotent. Ces gestes, transmis de génération en génération, préparent le terrain pour ce que les Grecs nomment la koinotita, la communauté autour du repas. Car là réside tout le secret : il ne s’agit pas uniquement de manger, mais de recréer, à chaque fois, le foyer, l’accueil et la mémoire du clan familial sous le regard bienveillant des ancêtres.
- 🕊️ Transmission familiale des recettes et des habitudes culinaires, symbolisant le respect du passé.
- 🌞 Lumière dominicale qui inonde les foyers, créant une atmosphère unique de fête.
- 🫒 Cocinage collectif, pères et enfants prenant part au service ou à la préparation.
- 🥗 Partage alimentaire : plats au centre de la table, chacun se servant en toute liberté et amitié.
- 🎶 Mélange de générations, les anciens racontant leur jeunesse, les jeunes rapportant leurs rêves.
Depuis des siècles, ce rendez-vous tisse les liens familiaux et sociaux. Le repas du dimanche évoque la stabilité, mais aussi la diversité interne de la Grèce : en Thessalie, on privilégie les soupes aux haricots ; en Crète, on sert la fameuse dakos ou le fromage xynomizithra. Dans d’autres régions, l’agneau kleftiko ou la moussaka gratinée règnent en maîtres sur la nappe colorée, couronnés d’huile d’olive aussi dorée que le soleil. Le partage du dimanche marque alors une suspension du temps, une façon pour les familles dispersées en semaine de se retrouver dans une même respiration.
Cette habitude, loin de s’effriter, prend même une dimension précieuse à l’heure des réseaux sociaux et du rythme urbain effréné. Nombreux sont les jeunes Grecs qui, chaque semaine, regagnent le village ou la maison de famille, parfois à plusieurs heures de route, pour respecter ce moment. Le repas du dimanche, vu de l’intérieur, n’est donc pas une simple habitude : c’est une déclaration d’amour envers la famille, la terre, la mémoire et l’identité grecques.

Le mot kali orexi (« bon appétit ») prend ici tout son sens : il n’annonce pas seulement le plaisir gustatif, mais la joie de se tenir ensemble, de (se) raconter, de créer l’instant. Lorsque l’assiette vide, les verres de vin local sonnent ensemble, la culture grecque s’incarne dans sa vitalité la plus pure : le simple repas devient fête, le quotidien devient légende.
La taverna, scène du rassemblement familial
Sous les tonnelles croisées de vigne ou entre les murs blanchis à la chaux, la taverna évoque le cœur même de la convivialité grecque le dimanche. Des quartiers traditionnels d’Athènes jusqu’aux places ombragées d’une île ionienne, ces tavernes gardent le souffle joyeux des grandes tablées où famille et amis se confondent dans une même effervescence. Lieu d’échanges, de retrouvailles et de passions, la taverna n’est jamais qu’un simple restaurant : elle incarne une scène, un théâtre de la vie communautaire.
Derrière chaque taverna, il y a souvent une famille : le père s’occupe de la grillade, la mère de la cuisine, et les enfants du service. La taverna du dimanche, parfois baptisée ouzerie lorsqu’on y privilégie l’ouzo et les meze, propose une carte qui sent l’authenticité. On s’y régale de plats maison, d’herbes fraîches et de produits cueillis le matin même. L’absence de frontières strictes entre clients et propriétaires renforce cette atmosphère : ici, tout le monde finit par faire la conversation, à saluer, à partager un verre.
- 🍷 Vin de la maison, servi dans de simples carafes, qui s’accorde à tous les plats.
- 🦑 Plats de la mer et de la terre, où chaque région exprime son terroir.
- 👨👩👧👦 Tables réunissant plusieurs générations, enfants courant entre les bancs, grands-parents en retrait souriant.
- 🎸 Bouzouki ou guitare pour accompagner le repas ; la taverna devient vite une piste de danse improvisée.
- 🥙 Partage des meze autour de la table, chacun picorant ici et là selon l’inspiration.
Le dimanche, la taverna se distingue ainsi de la semaine par une ambiance plus relâchée, un service qui prend son temps, et souvent, l’arrivée impromptue de voisins ou d’amis. La coutume de réserver une large table dès la veille témoigne du respect pour ce rite : on ne plaisante pas avec le repas dominical. De nombreuses tavernes, telles que celles du quartier de Plaka à Athènes ou des villages de Naxos, ont conservé la tradition du menu familial, affichant à l’ardoise les plats uniques du jour, choisis selon les saisons et les envies du cuisinier.
Il serait impensable d’aborder la taverna sans évoquer l’ouzo ou le tsipouro. Ces boissons anisées accompagnent le repas et invitent à ralentir, à savourer la conversation autant que la nourriture. L’ouzerie, cousine festive de la taverna, se spécialise dans cet art du temps suspendu, où l’anis trouble et la fraîcheur des dolmadakia ou du tzatziki prolongent la magie du repas.
Ainsi, la taverna du dimanche, humble ou réputée, n’est pas une simple adresse : c’est un port d’attache, une extension de la maison, un espace où chaque convive redevient l’enfant du village, peu importe l’âge ou la distance. Un univers de saveurs, de rires et de souvenirs tissés dans l’ombre fraîche d’une pergola, où la Grèce, indomptable et tendre, offre le meilleur d’elle-même.
Meze et partage : le rituel de l’abondance
Fermez les yeux : la table s’étire sous le soleil, nappée de bleu et de blanc. D’innombrables assiettes, petites et grandes, composent le paysage attablé du dimanche en Grèce. Ici, le meze n’est pas seulement une façon de picorer : c’est le fondement même de l’hospitalité grecque, la clé du partage. Le rituel du meze, toujours collectif, traduit une générosité sans artifice, un plaisir de donner tout autant que de recevoir.
Le mot meze, d’origine perse, désigne ces petites entrées, chaudes ou froides, qui se placent toujours au centre de la table. Contrairement à l’assiette individuelle occidentale, chaque convive pioche selon ses envies, au gré d’une conversation sans fin. Le dimanche, la profusion des mezedes célèbre autant la variété que la communion. Les plateaux de meze incarnent la promesse d’une table animée, d’un repas qui n’a pas d’heure, où l’abondance invite chacun à la découverte.
- 🫒 Olives de Kalamata et huile d’olive extra-vierge en début de repas pour ouvrir l’appétit.
- 🥒 Tzatziki délicieusement frais, à base de yaourt, concombre râpé, ail et aneth.
- 🍚 Dolmadakia, ces feuilles de vigne farcies au riz parfumé et aux herbes.
- 🐟 Tarama ou taramosalata, mousse d’œufs de poisson à la texture soyeuse.
- 🍞 Pain de campagne rustique, toujours présent pour accompagner chaque bouchée.
Les mezedes chauds parachèvent ce ballet gustatif : kolokithokeftedes (beignets de courgette), keftedakia (boulettes de viande), feta saganaki (feta frite avec un soupçon de miel) ou encore calamars grillés partagent l’affiche, selon les saisons. Ils permettent à chaque convive de goûter sans limite différente, favorisant ainsi les échanges : « as-tu essayé ce poulpe grillé… ? ».
En taverna comme à la maison, ce rite est l’occasion pour les enfants de poser des questions, de recevoir les récits gourmands des aînés : « Le vrai secret d’un bon souvlaki, c’est la marinade au citron et à l’huile d’olive, laisse-moi te montrer… ». Le dimanche, la table prend vie, chacun participant à cette fresque vivante et colorée.

Derrière la diversité, le meze reflète la sagesse méditerranéenne : on mange lentement, on savoure, on répète ce geste essentiel : tendre la main vers l’autre. Cette profusion, loin de l’ostentation, honore la terre, les saisons, et surtout le plaisir d’être ensemble. Le dimanche en Grèce, “kefi” – ce mot intraduisible alliant enthousiasme et gaieté – envahit alors l’âme de la table. On quitte la table repu, ému, éternellement invité à revenir pour recommencer ce voyage culinaire et humain la semaine suivante.
Les secrets des plats emblématiques du dimanche
Dès la première gorgée d’air embaumée de laurier et d’oignons fondus, les villages grecs savent reconnaître la procession dominicale de plateaux fumants. Le dimanche moyen en Grèce ne se conçoit pas sans ses plats rois, dont la seule évocation ouvre l’appétit. C’est le moment de célébrer la moussaka, l’agneau kleftiko, les souvlakis grillés et le pain pita qui font battre le cœur des familles.
Moussaka : Le héros du four, parfumé d’aubergines grillées, de viande parfumée et couronné de béchamel soyeuse. Préparé lentement, il demande patience et savoir-faire. Ce plat, apporté brûlant sur la table du dimanche, incarne le sommet de la générosité méditerranéenne. Certains préfèrent la version végétarienne au printemps, quand les légumes foisonnent.
- 🍆 Aubergines fondantes grillées pour donner un goût profond.
- 🥩 Viande d’agneau ou de bœuf parfumée de cannelle et d’origan.
- 🧀 Béchamel onctueuse légèrement gratinée, hommage à l’enfance grecque.
Kleftiko : L’agneau cuit très lentement, parfois enveloppé dans du papier parchemin ou des feuilles de vigne, chuchote la mémoire des klephtes, ces bandits d’honneur du 18e siècle. Cette cuisson douce exalte la tendreté de la viande. Le plat s’accompagne généralement de pommes de terre dorées, de tomates confites et d’herbes sauvages.
Souvlaki et pita gyros : Brochettes de porc, de poulet (ou parfois d’agneau), marinées la veille, grillées à la flamme. Elles sont servies à table ou glissées dans une pita dorée, avec frites maison, oignons rouges, tomates et tzatziki. C’est le plat du rassemblement joyeux, à la fois festif et régressif, synonyme de larges sourires.
- 🥙 Pains pita frais, moelleux et chauds.
- 🔥 Brochettes bien dorées, marinées aux herbes et citron.
- 🥒 Tzatziki épicé pour l’onctuosité et la fraîcheur.
Mais le dimanche n’oublie pas les yémistas (légumes farcis), ni les plats du terroir surtout l’été, chaque grand-mère y ajoutant l’ingrédient secret transmis dans le murmure des cuisines d’antan. Tous ces plats se retrouvent dans la mémoire commune et prolongent la conversation jusque tard. Ils composent un pont sensible entre l’histoire, les saisons et le sol grec, une déclaration d’appartenance autant qu’une fête des saveurs.
Si vous souhaitez explorer ces recettes au-delà du voyage, cette sélection de recettes grecques authentiques vous permettra d’en ramener un bout chez vous. Les grands classiques du dimanche sont ainsi, toujours prêts à réchauffer le cœur, déployer les parfums d’une enfance ou offrir un prétexte à se retrouver.
Rôles, gestes et petits mondes autour de la table
Dans chaque maison grecque, le théâtre du repas du dimanche se joue en plusieurs actes. Chacun connaît sa place, mais rien n’est figé. On y retrouve une chorégraphie de gestes, de regards et de rituels, trop souvent ignorés du visiteur pressé. Cette alchimie silencieuse fait du repas dominical une expérience unique, familiale ou amicale, fidèle à sa longue histoire.
Dès la veille, l’odeur du pain levé dans la cuisine signale que la yiayia (grand-mère) est déjà à l’œuvre. Le père, quant à lui, s’occupe souvent du barbecue ou de la broche du souvlaki. Les enfants, investis de petites missions – dresser la table, ramasser les herbes dans le jardin, aider à la préparation du tzatziki – entrent dans la ronde. Le dimanche, chacun trouve sa voix dans la chorale domestique.
- 🧑🍳 Préparation collective : la cuisine fourmille, les conversations filent entre les casseroles.
- 🍽️ Dressage poétique de la table, nappes tissées main, bouquets improvisés.
- 🕰️ Timing délibérément flou : on s’attend, on bavarde, on n’est jamais pressé.
- 🥂 Premier toast au vin, l’annonce du début officiel de la fête.
- 🗣️ Partage des anecdotes : “tu te souviens, l’an passé quand le plat a manqué de sel…”.
À la table s’entremêlent les générations : les plus anciens relatent la guerre, un mariage d’autrefois, l’arrivée du premier réfrigérateur au village. Les enfants rient, se chamaillent, se glissent parfois sous la table. Les gestes sont tendres, les silences éloquents ; on apprend à se (re)connaître à travers la répétition de ces petits mondes du quotidien.

Le dimanche, la langue grecque s’enrichit de cris, de rires, de chansons improvisées. “Na zisete !” (Longue vie à vous !) accompagne souvent le cliquetis des verres. Les conversations se font et se défont, glissant doucement vers la politique, les souvenirs, les rêves d’avenir. Aucun repas dominical ne paraît alors semblable à un autre : chaque famille, chaque région a ses mythes, ses codes, son tempo. Pourtant, cette trame tissée de gestes et de paroles dessine le visage d’un peuple qui, envers et contre tout, choisit la rencontre et l’abondance du cœur.
Dans ce théâtre d’été ou d’hiver, une certitude : la table grecque du dimanche, plus qu’un rite, est une initiation sans fin à l’art de la lenteur et à la profondeur du lien.
Les saveurs sucrées, l’art du dessert et le café en famille
Lorsque le soleil se penche sur les assiettes vides et que la brise se lève, le rituel du repas dominical en Grèce prend une douce tournure sucrée. Place au dessert, à la farandole de parfums et au café partagé. Ici, le dessert n’est jamais imposant : il est l’écho d’une promesse de douceur, une façon d’ouvrir la conversation vers la digestion, l’anecdote, l’après-midi lent.
La vedette des fins de repas grecs, c’est sans conteste le baklava, ce chef-d’œuvre de pâte filo, de noix, de pistaches, trempé de miel et infusé à la cannelle. Il se déguste en tous lieux, mais arrive au sommet de sa poésie dans une taverna de village, accompagné de paroles sages. À ses côtés, les loukoumades, ces beignets dorés et nappés de miel, fondent dans la bouche et font la joie des enfants.
- 🍯 Baklava feuilleté : mille feuilles de pâte, explosion de fruits secs et de miel.
- 🍩 Loukoumades : petite bouchée moelleuse, nappée de miel chaud et parsemée de cannelle.
- 🍙 Yaourti me meli : yaourt grec soyeux surmonté de miel doré et de noix concassées.
- 🍰 Bougatsa : feuilleté tiède à la crème, souvenir d’enfance.
Le dimanche, il est fréquent que la maîtresse de maison improvise un dessert à partir de fruits du verger : pastèque sucrée, figues mûres, raisin frais. Le plat arrive souvent à la fin du repas « comme une bénédiction », et les Grecs aiment dire qu’un dessert partagé double la joie ! S’enchaîne alors le service du café : ellinikos kafes (le café grec), épais et fort, est préparé dans un briki traditionnel, et versé dans de petites tasses. Les conversations ralentissent, le marc de café inspire parfois une lecture de l’avenir dans les fonds de tasse, perpétuant ainsi des croyances anciennes ancrées dans le folklore familial.
En automne ou en hiver, le vin doux local ou un mastiha du Dodécanèse accompagnent également le dessert, prolongeant la lenteur de l’après-midi. À la table, même les plus jeunes prennent goût à ce temps suspendu, où rien ne presse et où chaque bouchée semble une caresse de la mémoire. Toute cette douceur distingue la Grèce du dimanche, admirablement décrite dans ce récit de spécialités grecques incontournables.
Quand la table se vide lentement, les voix baissent, la lumière devient dorée, et le dimanche grec scelle alors sa réputation : un pays, même dans la simplicité de ses desserts, sait faire vibrer tout ce qu’il y a de plus humain en nous.
Musique, histoires et transmission autour du repas
L’air de rebetiko ou le chant d’une vieille guitare s’élève, flânant sur la brise des champs d’oliviers. Le repas du dimanche en Grèce n’est jamais seulement affaire de nourriture : il est fait de sons, de mots, de récits transmis des anciens. L’après-midi s’étire en chansons improvisées, en anecdotes farfelues ou en confidences chuchotées, alors que la nappe garde la trace des verres et des miettes de feta dispersées.
La musique surgit souvent de manière spontanée. Quelqu’un sort un bouzouki, les enfants tapent des mains. Générosité rime alors avec kefi : on danse, on chante, le repas se prolonge à l’infini. Les histoires font voyager : souvenirs de la guerre, fierté d’un ancêtre marin, exploits de la dernière récolte d’olives.
- 🎻 Mélodies traditionnelles créant une atmosphère unique, familiale et vibrante.
- 🕺 Danses improvisées : syrtaki ou hasapiko s’invitent naturellement après le dessert.
- 📖 Récits d’antan : histoires de la mer, des montagnes ou d’un héros local.
- 🌿 Transmission de dictons et de proverbes, à la fois drôles et vrais.
Instinctivement, ce moment du dimanche sert de fenêtre pour transmettre sans effort : le jeune enfant qui découvre d’où vient le lait de brebis, le petit-fils à qui l’on explique le sens du mot philoxénia (hospitalité sacrée) ou la fille qui apprend les secrets d’un tzatziki réussi. C’est aussi le moment où l’on célèbre ceux qui sont partis, où une photo, accrochée au mur, devient prétexte à se souvenir ensemble, unis dans la tendresse et l’émotion.
Le repas grec du dimanche réunit alors tout : musique, parole, silence, regards. Toute famille garde la trace d’une chanson récurrente, d’un mot secret, d’une habitude qui ne se perdra jamais. La Grèce, qui sait manier la mémoire aussi bien que le couteau à pain, fait du repas dominical un écrin particulier pour la transmission vivante : c’est là que se prolongent les mythes, que se dessine l’identité véritable, jusque dans le sel d’une larme ou la malice d’un clin d’œil.
Pour s’imprégner davantage des aspects symboliques de la culture grecque à table, une exploration des traditions culinaires grecques en famille met en valeur l’importance de la parole partagée, du savoir transmis et des chants hérités. Sur chaque table, la Grèce chante, raconte et perpétue l’art d’exister ensemble.
Les journées modernes : continuités et évolutions du dimanche grec
Le dimanche grec de 2025 n’est ni tout à fait le même qu’il y a cinquante ans, ni tout à fait différent. Si la famille s’est parfois éclatée dans les grandes villes, si le rythme de travail et les migrations ont reconfiguré le schéma familial classique, l’esprit du repas dominical demeure solidement ancré. De nouvelles formes d’assemblées (amis, voisins, collègues) remplacent parfois la famille élargie, mais l’essence du partage persiste.
Dans les centres urbains comme Athènes ou Thessalonique, des jeunes couples improvisent désormais des brunchs dominicaux revisités en terrasse. Les anciennes pitas s’enrichissent de touches modernes, et la taverna traditionnelle côtoie des versions fusion. La table s’ouvre aussi à de nouveaux produits, mais le cœur du rituel demeure : rassembler, offrir, déguster lentement, ne jamais manger seul.
- 📱 Partages sur les réseaux : photos de plats typiques, statues d’olives, souvenirs du repas publiés.
- 🌱 Retour aux sources : quête de produits bio, légumes du potager familial, cuisine de saison.
- 🤝 Rencontres élargies : amis, voisins, “familles choisies” invitent à leur tour à la table dominicale.
- 🚗 Retours au village à chaque fête orthodoxe ou grande occasion, renouant avec la tradition.
Certaines coutumes se sont même amplifiées à l’ère moderne : la volonté de cuisiner ensemble, de partager la préparation, gagne du terrain. Les applications de recettes de moussaka ou de vins grecs traditionnels rencontrent un succès grandissant. La diffusion des produits du terroir, la fierté nationale pour la feta ou l’huile d’olive, renforcent depuis peu le sentiment d’appartenance à une communauté culinaire ouverte sur le monde.
De l’ouzerie branchée du Pirée aux tavernes tranquilles des Cyclades, la scène du repas dominical valorise l’inclusion. On mélange les origines, on adapte les plats selon le temps, les ressources, l’inspiration. Les fêtes religieuses, comme Pâques, magnifient encore cet art de la réunion, avec les grandes broches d’agneau, les plats rustiques sortis à l’aube, les conversations jusqu’à la nuit tombée.
Enfin, le réseau mondial de la diaspora grecque montre, chaque dimanche, qu’il suffit d’une assiette de gemista, d’un toast au krasi maison, pour rallumer le parfum du pays perdu ou lointain. Le repas dominical n’a pas perdu sa magie : il évolue, s’adapte, mais ne s’éteint jamais. Il continue à offrir, à réchauffer, à unir autour du plus ancien des plaisirs : la table partagée.
Un voyage sensoriel et humain : traditions culinaires grecques à explorer
La Grèce, lumineuse et toujours vivante grâce à ses traditions, se raconte aussi par l’expérience unique du repas dominical. Pour qui s’aventure, même pour un été ou une escale, sur ses chemins, la découverte de ce rituel sera un souvenir d’exception. Chaque table, chaque famille, chaque région porte en elle ses variations. Entre la force du meze, la noblesse du kleftiko, la tendresse de la feta et la douceur inégalée du baklava, le repas du dimanche se révèle comme une invitation à ralentir, à savourer et à se laisser toucher par l’âme du pays.
Pour s’initier à la richesse de ces traditions, rien de tel que de s’attarder dans une taverna au fil des îles ioniennes, de goûter aux plats du monastère ou d’échanger avec les habitants rencontrés sur un marché. Chaque anecdote, chaque plat, chaque chant partagé tisse un fil invisible entre l’histoire et le présent.
- 🌊 Déguster une salade grecque face à la mer, accompagné de kalamata et de pain frais.
- 🍖 Partager un souvlaki croustillant sur la plage, entre deux baignades.
- 🫓 Essayer la recette familiale du kleftiko transmise par un vieux cuisinier d’Epire.
- 🥧 Finir le repas sur une note sucrée, baklava encore chaud et café fort, en écoutant les mouettes.
- 🎼 Se laisser surprendre par une danse improvisée à la sortie d’une ouzerie, quand la nuit tombe.
Le dimanche grec donne à toute visite, à chaque habitant, l’occasion de devenir à son tour gardien d’un trésor simple et puissant. Ce moment n’est pas à “consommer”, mais à vivre : il offre, chaque semaine, la possibilité de toucher le bonheur en partageant l’essentiel, entre saveurs, lumière, amitié et mémoire.

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